Actualité juridique : la réception tacite de l’ouvrage

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Dans un arrêt du 30 janvier 2019 (Civ.3ème, 30 janvier 2019, n°18-10.197), la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser la notion de réception tacite en censurant le raisonnement de la Cour d’appel de Rennes.

Le maître d’ouvrage, dans cette espèce, a confié les travaux de gros œuvre et de terrassements, pour la réalisation d’une construction permettant de relier deux bâtiments d’habitation, assuré en responsabilité décennale.  Des désordres étant apparus, le maître d’ouvrage a assigné en responsabilité décennale le constructeur en charge des lots gros œuvre et terrassement.

Le juge du fond a considéré que le maître de l’ouvrage n’avait pas affirmé de façon non équivoque sa volonté de réceptionner l’ouvrage en payant la dernière facture, et qu’en conséquence, les conditions d’une réception partielle tacite n’étaient pas réunies. Dès lors, seule la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur pouvait être recherchée.

« qu’en statuant ainsi, alors que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception et que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La question de la réception d’un ouvrage est au cœur du contentieux de la construction dès lors que cette date est le point de départ des garanties propres au droit de la construction : la garantie de parfait achèvement, la garantie de bon fonctionnement et la garantie décennale.

Cet arrêt nous apporte deux enseignements concernant la réception de l’ouvrage. Tout d’abord la Cour confirme que la prise de possession et donc la réception peut intervenir lot par lot. Même si l’article 1792-6 visé par la Cour mentionne l’ouvrage au singulier, la réalité est telle que le Maître d’ouvrage doit réceptionner l’ouvrage de chaque constructeur. Il est donc habituel que plusieurs procès-verbaux de réception soient établis lorsqu’il y a plusieurs constructeurs opérant sur l’ouvrage d’ensemble.

La doctrine s’oppose sur cette question depuis plusieurs années, en effet, une partie de la doctrine considère que la réception des différents lots est reportée au moment de l’achèvement de l’ouvrage global. Cette position a été contredite par la Cour de cassation dès 2010 (Civ. 3ème, 10 novembre 2010, n°10-10.828) qui affirmait déjà que l’ouvrage visé dans l’article 1792-6 n’est pas l’ouvrage complet mais le travail réalisé par chaque constructeur à l’opération de travaux.

L’arrêt commenté va dans le même sens et confirme l’absence de principe d’unité de temps des réceptions. Il peut donc y avoir plusieurs réceptions, par lots, pour un seul et même ouvrage global. Il faut dès lors être attentifs aux différents points de départ des garanties, aussi nombreux qu’il y aura de réception par lots.

Le deuxième enseignement de l’arrêt concerne les conditions de la réception tacite. Pour la Cour de cassation, la prise de possession de l’ouvrage et le paiement de l’intégralité des travaux valent présomption de réception tacite. Dans la mesure où il s’agit d’une présomption, il appartiendra à la partie qui conteste ladite réception tacite de rapporter la preuve contraire.  Par cet arrêt toute référence à une volonté non-équivoque est abandonnée, la constatation (i) de la prise de possession et (ii) du paiement du prix du lot, suffisent à établir la présomption.

 

Jessika DA PONTE                                                                                      23 septembre 2019